Le street art revisite l'image de l'accessibilité

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Convaincu qu'il est temps de revoir le symbole international d'accessibilité (ISA) pour donner une image plus mobile et autonome au bonhomme-allumette en fauteuil roulant identifiant les lieux accessibles aux personnes handicapées, un groupe d'artistes a remis le pictogramme sur la planche à dessin. Leur initiative interroge l'ISO : faut-il écouter leur critique et réfléchir à nouveau sur le pictogramme normalisée qui a fait ses preuves, ou, au contraire, camper sur nos positions et conserver le statu-quo ?

La BBC et le Huffington Post ont récemment évoqué l'ISO dans le cadre d'une information étonnante : un appel lancé pour que soit modifié le symbole indiquant les lieux accessibles aux handicapés, car le pictogramme auquel nous sommes habitués et qui est utilisé dans le monde entier, dans les parkings et lieux publics, est au cœur d'une controverse artistique.

Mettre l'individu en avant

Un collectif des États-Unis, Accessible Icon Project, souhaite mettre le symbole au goût du jour en lui donnant un aspect plus dynamique, arguant que, dans la version actuelle, le fauteuil roulant prend trop de place et la silhouette est montrée dans une attitude passive. Dans leur proposition, qui est portée par Sara Hendren, ce même bonhomme-allumette  est dessiné en plein effort et penché en avant. Dans une démarche « street art », les artistes collent le sticker transparent de leur version – dite version Hendren – sur les ISA traditionnels, donnant à voir simultanément les deux symboles.

Notre fameux pictogramme serait-il maintenant déplacé ?  Pas vraiment, la volonté du collectif est avant tout de susciter la réflexion sur les questions d'indépendance et d'autonomie des personnes en fauteuil. Il n'empêche, leur proposition laisse songeur : serait-il temps pour le symbole de s'inscrire dans une nouvelle dynamique ?

On change de look ?

L'ISA a une longue histoire derrière lui. Ce symbole est né de l'imagination d'une étudiante danoise, Susanne Koefoed, qui a remporté avec lui le concours lancé en 1968 par la Commission internationale sur les technologies et l'accessibilité de Rehabilitation International. Après quelques retouches,  son dessin est devenu l'ISA. L'ISO l'a ensuite adopté en le classant parmi les symboles graphiques ISO 7000 utilisables sur le matériel. Ce pictogramme, qui sert aujourd'hui de base aux symboles désignant les lieux accessibles aux personnes handicapées, a contribué à la prise de conscience des besoins des personnes handicapées et a accru leur visibilité. Pour ceux dont la mobilité dépend de ces symboles, ils sont le synonyme d'une nouvelle liberté de mouvement.

Or, aujourd'hui, il semble que beaucoup de voix s'élèvent en faveur du changement. Au Canada, l'OCAD University et le Gouverneur de l'Ontario ont récemment lancé un concours, #AccessSign, invitant les dessinateurs du monde entier à proposer un nouveau pictogramme. Il est intéressant de noter que les organisateurs eux-mêmes ont reconnu à quel point il était difficile de rendre les besoins des personnes en situation de handicap dans toute leur complexité, et le Gouverneur a admis que l'exercice s'était avéré « bien plus compliqué que prévu ».

Situation d'urgence

Mais qu'en pense l'ISO/TC 145 qui a élaboré ces symboles graphiques ? Nous avons posé la question à Barry Gray, Président de ce comité. S'il juge intéressante la proposition de Sara Hendren, il n'est pas convaincu de sa pertinence en tant qu'indicateur d'accessibilité :

« Ce symbole évoque les jeux paralympiques, les courses de fauteuils roulants et la vitesse. Mais il doit pouvoir être utilisé dans des situations statiques. Ce symbole sert à indiquer à la fois les endroits réservés aux personnes handicapées dans les transports publics, les abris où se réfugier dans les situations d'urgence, ainsi que les ascenseurs et les toilettes accessibles en fauteuil. »

« Ce symbole est aussi utilisé pour identifier les itinéraires aménagés pour les personnes à mobilité réduite, comme les rampes ou les plateformes élévatrices, où la vitesse n'est pas de mise. Je crains que le symbole proposé ne prête à confusion. »

L'ISA a passé l'épreuve du temps, et le monde entier le connaît. Il ne s'agit pas d'une représentation des personnes en situation de handicap, mais d'un message qui se comprend rapidement et facilement – quelque chose auquel, à en croire la BBC, Hendren est elle aussi sensible : « Je porte la plupart du temps des pantalons, mais lorsque je me rends aux toilettes, je comprends bien que le pictogramme avec une jupe ne désigne pas la porte des hommes, mais il ne me dérange pas pour autant. C'est une vision un peu réductrice, certes, mais c'est tout de même pratique lorsque je voyage avec ma fille de cinq ans et que je dois vite trouver les places les plus proches des commodités pour pouvoir y courir en cas d'urgence…»

Alors, si l'objectif est atteint, pourquoi changer ?

Un symbole peu représentatif

Le principal reproche qui est fait à l'ISA est qu'il ne représente pas tous les handicaps. Le fauteuil n'est pas le lot de tous les handicapés : pour prendre l'exemple du Royaume-Uni, s'ils ne sont que 10% à utiliser un fauteuil, ils sont bien plus nombreux à ne pas pouvoir emprunter les escaliers ou à devoir utiliser les places de parking réservées.

Barry le reconnait, mais il est convaincu que la longue tradition et la reconnaissance immédiate du symbole sont des arguments suffisants : « La plupart d'entre nous comprennent ce qu'il signifie. Et, jusqu'à présent, nous n'avons pas trouvé de solution plus simple ou plus inclusive. »

Si l'ISA est le symbole le plus utilisé pour indiquer les lieux accessibles aux personnes handicapées, il y a d'autres pictogrammes, plus précis, pour des handicaps spécifiques et il est question d'en élaborer d'autres. Par exemple, un symbole vient d'être créé pour indiquer la mise en place d'une assistance spécialisée, notamment pour les personnes malvoyantes ou malentendantes.

Si vous ne connaissez pas le système ISO, rappelons que ces symboles sont élaborés par un groupe d'experts internationaux. Interrogé sur la présence de personnes en situation de handicap au sein de ce groupe, Barry a signalé : « Beaucoup de personnes handicapées, mais aussi des organisations caritatives pertinentes, ont déjà participé à nos travaux. En outre, les propositions de nouveaux symboles nous sont communiquées par les organismes nationaux de normalisation, lesquels entretiennent des relations étroites avec les groupes de défense des handicapés de leur pays. »

Prochaine étape ?

Le réexamen des normes occupe une place importante dans les activités de l'ISO. Le temps passe, les technologies évoluent et toutes les normes sont appelées à être régulièrement révisées pour conserver leur pertinence. Il en va de même pour les symboles graphiques. Ainsi, à l'issue de la dernière révision d'ISO 7001, qui rassemble les symboles destinés à l'information du public, le comité a convenu de donner au bonhomme-allumettes une apparence plus humaine pour plus de convivialité.

Nous avons demandé à Barry ce qu'entraînerait un « relooking » de l'ISA. « La plupart des symboles avec fauteuil que nous voyons, même ceux qui sont  adaptés en fonction de l'identité visuelle des organisations, sont inspirés de l'ISA,. Mais n'oublions pas que les normes sont appliquées à titre volontaire. Si nous espérons que les normes ISO seront utilisées pour dépasser les différences culturelles ou linguistiques, elles ne sont en rien obligatoires. »

Il n'est pas prévu, pour l'heure, de modifier le symbole, mais Barry a néanmoins pris note des propositions de changement et les gardera à l'esprit pour la prochaine révision. « Adopter un symbole plus dynamique pour indiquer les espaces accessibles aux personnes handicapées, c'est une possibilité, mais étant donné que le législateur requiert, à juste titre, l'égalité d'accès, il y a des chances que la question n'ait plus d'objet. » La décision appartiendra au groupe de travail et aux comités membres de l'ISO. Pour l'heure, nul ne sait sur quoi cette controverse artistique va déboucher.

Notre fameux pictogramme serait-il maintenant déplacé ?

Pour certains, il ne représenterait pas tous les handicaps.
La question reste ouverte.


Maria Lazarte
Maria Lazarte

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