Le combat de la Chine contre les pirates

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Engagée dans la protection contre le piratage et la lutte contre la contrefaçon des normes, la Standardization Administration of China (SAC) est parvenue à démanteler plusieurs réseaux sévissant en ligne, pour garantir l'authenticité des copies délivrées aux utilisateurs de normes. M. Guo Hui (SAC) et Nicolas Fleury (ISO/CS) nous en disent plus.

En matière de protection des droits de la propriété intellectuelle, la Chine a du pain sur la planche. Ces dernières années, la progression d’Internet a eu pour effet de décupler le nombre de violations du droit d’auteur attaché aux normes, exposant les entreprises au risque d’utiliser des copies illicites de normes. Compte tenu de l’importance déterminante de la qualité des biens et produits pour trouver des débouchés sur les marchés internationaux, les atteintes au droit de la propriété intellectuelle sont vues comme une menace pour la réussite économique – et la bonne application des normes. Consciente du problème, la Chine a pris des mesures drastiques pour mettre fin à ces pratiques en ligne.

En octobre 2010, la campagne « Sword Net Action » a été lancée spécifiquement pour lutter contre la piraterie informatique du droit de propriété intellectuelle. À l’issue d’une opération spéciale, les 512 plaintes et constats dénombrés sur l’ensemble du pays ont donné lieu à 109 procédures administratives et à 93 procédures judiciaires. En outre, 137 groupes de serveurs et équipements connexes ont été saisis, et 201 sites Web signalés en infraction devront être fermés. Les formes de piratage moins courantes – comme l’atteinte au droit d’auteur sur les normes industrielles – ont fait l’objet d’une importante couverture médiatique.

Campagne pour le droit d’auteur

La protection du droit d’auteur attaché aux Normes internationales est nécessaire, principalement pour deux raisons. La première tient au fait que le processus d’élaboration des normes est en grande partie financé par les recettes de la vente de normes et l’exploitation commerciale de leur contenu. D’après les analystes du marché de la société de recherche Outsell, les recettes des ventes de normes réalisées en 2013 par les organismes nationaux et internationaux de normalisation se sont établies à USD 515 millions, une somme largement réinvestie dans les activités de normalisation.

La deuxième, qui est moins évidente, est de garantir que les utilisateurs ont accès à la toute dernière version officielle du texte de la norme qui reflète en tout point le consensus obtenu au sein du comité technique. La piraterie à tout crin fait perdre aux normes leur autorité et en menace la validité, induit les consommateurs en erreur, est source de litiges commerciaux majeurs (par rapport aux enjeux de sécurité sanitaire des denrées alimentaires, aux dangers liés à l’agriculture et à d’autres problèmes similaires) et entraîne des pertes considérables.

La Chine passe à l’action

Le téléchargement de copies non autorisées de normes depuis des réseaux peer-to-peer ou des sites Web commerciaux fait clairement problème. Prenez par exemple des entreprises Web chinoises comme baidu.com, le moteur de recherche le plus utilisé après Google, et docin.com. Elles utilisent des systèmes de « monnaie électronique » qui permettent aux utilisateurs de télécharger dans leurs bibliothèques numériques des milliers de normes piratées. L’argent virtuel gagné peut ensuite être utilisé pour « acquérir » des manuels ou d’autres documents rédigés en anglais ou en mandarin.

Déterminée à mettre fin à ces pratiques, la SAC, membre de l’ISO pour la Chine, a pris des mesures pour se défendre contre le piratage, contraignant Baidu à retirer plus de 500 000 documents illicites et Docin à supprimer 160 000 copies illégales de normes ISO.

Ces mesures ont pris des formes très diverses : doc88.com a élaboré une nouvelle application qui bloque automatiquement le téléchargement de copies illégales ; a mis au point un système unique d’« ADN anti-violation » qui permet de comparer le contenu des normes officielles et celui de copies illégales ; et a utilisé un système intelligent de « filtrage par mots clés » qui recherche et supprime automatiquement les copies illégales. Le portail 3dportal.cn a quant à lui tout bonnement fermé son forum dédié aux normes, interdisant expressément aux utilisateurs de télécharger des normes de contrefaçon.

Une grande attention a été accordée aux réclamations : Baidu a ouvert un service qui permet de traiter en temps réel les plaintes des titulaires de droits d’auteur. Docin, pour sa part, a mis sur pied une équipe ad hoc avec des procédures rapides pour traiter les réclamations relatives à des normes illégales.

Les affaires Chen et Wang

M. Wang apprenant sa condamnation à trois années de prison.
Photo : SAC

À peu près au même moment, un certain nombre de sites Web vendant des normes non autorisées ont pu être identifiés grâce aux efforts déployés par l’ISO et ses membres, dont la SAC. Avec l’aide des autorités chinoises – notamment la sécurité publique, le Parquet populaire et le département des affaires culturelles – la SAC a rassemblé des preuves concrètes de ventes illégales de normes ISO piratées sur ces sites.

Des poursuites ont été engagées par le Parquet populaire de Lucheng, à Wenzhou, et, le 21 novembre 2012, M. Chen a été reconnu coupable de violation du droit d’auteur dans un but commercial et condamné à une peine d’un an de prison, de deux ans d’interdiction d’exercer une activité commerciale, et d’une amende de USD 30 000. Les gains illicites ont été saisis.

En septembre de l’année suivante, des activités suspectes constatées par l’ISO ont conduit la SAC à ouvrir une enquête sur un autre cas de violation du droit d’auteur sur Internet impliquant pdfstd.com, une plateforme vendant des copies illégales de Normes internationales. Le Bureau de la sécurité publique de Shanghai a alors mobilisé une équipe spéciale sur ce dossier. Après des mois d’enquêtes intenses, et avec l’appui de l’ISO, la SAC, le Ministère de la Sécurité publique et la NCAC, l’Administration nationale de la propriété intellectuelle, ont identifié un suspect, un certain M. Wang, qui a aussitôt été arrêté.

L’enquête a révélé que Wang et ses complices avaient loué à l’étranger quatre serveurs virtuels et créé cinq sites Web – dont le célèbre pdfstd.com – par l’intermédiaire desquels plus de 100 000 copies pirates de Normes internationales ont été vendues. En octobre 2014, Wang a été condamné à trois ans de prison ferme, quatre ans de sursis avec mise à l’épreuve et à une amende d’USD 30 000 pour atteinte au droit d’auteur.

Quand les autorités se mobilisent

Reproductions illégales de normes saisies par les autorités chinoises.
Photo : SAC

Il va sans dire que l’opération n’aurait pas connu un tel succès sans la détermination du gouvernement chinois et sa politique générale de répression des violations des droits de la propriété intellectuelle et de la contrefaçon de biens. Les efforts ont été coordonnés par le Groupe pilote national chargé de la lutte contre les violations relevant du droit de la propriété intellectuelle, qui a joué un rôle de pivot entre diverses autorités et agences administratives nationales. Ensemble, ils ont mis sur pied une stratégie d’enquête qui s’est avérée des plus efficaces sur la piraterie des normes.

Enfin, en 2013, conscient de la nécessité de recourir aux normes officielles pour les biens et services produits en Chine, le gouvernement a inscrit la protection du droit d’auteur sur les normes dans la liste des dix priorités de la campagne « Sword Net Action » contre la piraterie en ligne, indiquant ainsi sa volonté de protéger l’intégrité des Normes internationales.

Un précédent marquant

Mr. Guo Hui, Vice-Administrateur de la SAC, et Nicolas Fleury, Directeur MCI, ISO/CS, accueillant les représentants des autorités chinoises à Shanghai.
Photo : SAC

Ces affaires ont connu un grand retentissement, suscitant un intérêt sans précédent auprès du public. Forte de cette réussite, la SAC a exploité ces cas médiatiques pour sensibiliser le public aux politiques et aux réglementations en matière de droit d’auteur et expliquer pourquoi il est important de les respecter et de se référer aux normes de sources autorisées.

Le rapport « Tolérance Zéro en matière d’atteinte aux Normes internationales » publié par et a fait sensation, avec 212 000 vues sur Internet. L’affaire Wang, qui est l’un des faits marquants de la campagne Sword Net Action, a fait la une des principaux journaux et chaînes d’information du pays comme CCTV, Beijing Television et China News Service.


Journée mondiale de la normalisation

Pour sensibiliser la communauté internationale à cette cause, la SAC, en collaboration avec l’AQSIQ – le Département chargé de l’administration du contrôle qualité, de l’inspection et de la mise en quarantaine – et la NCAC ont saisi l’occasion de la Journée mondiale de la normalisation (JMN) 2014 pour promouvoir la protection du droit d’auteur sur les Normes internationales. Dans un atelier qui s’est tenu le 21 octobre, la Chine a fait part de son obligation morale, en tant que membre permanent du Conseil de l’ISO, de protéger les Normes internationales contre la piraterie.

Le lendemain, dans le cadre des activités de cette JMN, l’Administration du droit d’auteur de Shanghai a accueilli un séminaire à Shanghai afin d’étudier les affaires de piraterie et de violation. L’expérience concluante de l’ISO et de la SAC en matière de lutte contre la piraterie à l’échelon international a aidé à mieux faire comprendre la pertinence des politiques de protection des Normes internationales. De l’avis général, il est espéré que par l’action concertée de toutes les parties intéressées dans la lutte contre les violations du droit d’auteur attaché aux normes, l’expérience chinoise pourra peut-être être reproduite à l’échelle mondiale dans les années à venir.

L’union fait la force

Mr. Guo Hui, Vice-Administrateur de la SAC, prenant la parole au Séminaire sur la protection du droit d’auteur sur les Normes internationales, à Pékin, le 21 octobre 2014.
Photo : SAC

Est-ce bientôt la fin de l’âge d’or de la piraterie ? La Chine et la SAC ont certes fait beaucoup en ce sens ces dernières années. Le Secrétaire général de l’ISO, Rob Steele, dans une lettre de remerciement adressée au membre de l’ISO pour la Chine, a loué les efforts du gouvernement chinois pour la protection des Normes internationales, en ces termes : « Les moyens déployés ont permis de réduire considérablement les conséquences néfastes pour l’ISO et ont, j’en suis sûr, contribué à la protection du droit d’auteur attaché aux normes ISO en Chine et dans le monde entier. »

La lutte n’est pas pour autant terminée : certains sites Web « pirates » sont particulièrement difficiles à arrêter. Derrière des noms de domaine enregistrés et des serveurs et des plateformes de paiement basés à l’étranger, ils commettent délibérément des actes illégaux dans leur pays. Alors, réussirons-nous un jour à mettre définitivement un terme à ces pratiques ? Probablement pas. Mais nous ne saurions jouer les cassandres, car l’expérience de la Chine pourrait bien annoncer l’aube d’une nouvelle collaboration mondiale.


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Elizabeth Gasiorowski-Denis

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